Un avenir après l’ESAT... Que sont-ils devenus ?




Vendredi 26 août à 15h...ESAT Les ateliers du Pigeon blanc à Pontivy...atelier menuiserie...nous avons vécu l’un des moments les plus importants de la vie de l’établissement : la fête de départ de l’un de nos collègues vers un travail en entreprise !

(Source Photo : Le Télégramme)
Dernier jour de Denowan à l'ESAT qui est entouré ici de l’équipe encadrante de l’ESAT, ses parents, José et Brigitte, et son employeur, qui sont ravis de le voir s’émanciper pour une nouvelle vie.

Tout le monde était là autour de Denowan Muro (24 ans, ouvrier en menuiserie) : les collègues et copains de l’atelier, les moniteurs (dont son moniteur référent), l’ensemble des travailleurs du site, le personnel encadrant, la famille, une représentante de la sociéte Simo (son futur employeur)...et même les journalistes !
Que du beau monde autour du buffet goûter préparé par l’équipe « Restauration »... Nous partagions avec Denowan un pot amical, dans cette ambiance bon enfant,  pour lui exprimer notre fierté, l’encourager, et un peu le rassurer...même si nous le savions très motivé et déterminé, détendu en apparence, une émotion et une légère anxiété pointaient...une partie du public présent était à la fois émue, et un peu envieuse...certains semblaient se dire : « Et pourquoi pas moi ?... ».

Cinq ans de travail, d’efforts, de remise en question, et de patience pour réussir à atteindre son objectif professionnel...

L’inclusion est une aventure vécue en milieu parfois inhospitalier (souvent ignorant des compétences existantes dans nos ateliers...), et sur des chemins sinueux et cabossés que nous balisons, au mieux, pour augmenter les chances de petits et grands succès : découverte du travail en entreprise par les visites et des stages, mises à disposition, sorties vers l’emploi... 

Avant Denowan, notre établissement a fêté au moins deux autres anciens collègues « sortis » vers un avenir après l’ESAT... : Benoît Le Net et Jean-Philippe Dorges.

Mais que sont-ils devenus ? Nous sommes allés à leur rencontre...

(Légende : photo de gauche : Benoît LE NET ; photo de droite : Jean-Philippe DORGE, entouré du personnel de la base logistique Intermarché de Neuilliac,
dont Ludovic CHAMOIN-FOUCAULT, Responsable Ressources Humaines, et Amélie LE CANDERFF, Chargée d'Insertion sur l'Adapei du Morbihan à cette époque).

Benoît et Jean-Philippe sont tous les deux issus de l’atelier menuiserie, et ont eu pour moniteur référent Eric Madec, avec lequel ils sont toujours en contact, entretenant à distance le lien fort des moniteurs avec les équipes d’atelier.

En revenant à l’ESAT, ils sont « comme à la maison » : heureux de retrouver des lieux connus, et de revoir des visages accueillants et bienveillants...mais pas de regrets...c’est du passé.

Benoît Le Net a quitté l’établissement depuis quatre ans, pour rejoindre l’équipe de la base logistique Intermarché située sur le territoire pontivyen. Benoît est un garçon énergique, voire hyperactif, à l’expression facile et spontanée. Il admet avoir été parfois difficile à vivre en atelier, surtout pendant la période où il attendait de partir...Il lui a fallu être patient, vivre plusieurs stages sans engagement d’avenir par les employeurs, notamment dans des points de vente, avant d’avoir l’opportunité de découvrir Intermarché...

C’est son agilité et sa compétence au volant du charriot élévateur qui ont été un atout pour intégrer la base Intermarché...comme quoi les formations internes (CACES et accompagnement moniteur) sont porteuses !

Il dit être épanoui, aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle. Il est mobile (permis B acquis avec ténacité), il gagne correctement sa vie...quand ça va « moyen », il relativise et pense aux moments difficiles vécus avant...

Dans l’entreprise qui l’emploie, il a eu la chance d’être accueilli et accompagné par une personne concernée et de confiance : Gilles André. C’est un chef d’équipe qui était très proche, qui lui a permis de s’intégrer au groupe et de le faire progresser en autonomie, comme tous les autres salariés (aujourd’hui Ludovic Foucault a pris le relais). Le regard des autres par rapport à son parcours ? « Ils s’en moquent ! »... « Comme je suis intégré, il n’y a pas de différences de traitement parce que je suis en situation de handicap ».

Benoît reconnaît que les débuts ont été difficiles (« c’était galère »), car il a fallu s’adapter (au rythme, aux machines...), mais qu’à force de remises en question, et de communication avec son responsable (« une communication franche et directe »), il s’est imposé, est devenu autonome. On lui a proposé un nouveau poste au reconditionnement où il utilise, outre le charriot, l’ordinateur du bureau...Il est bien apprécié par son employeur. Le bilan de son évaluation annuelle est positif : « bon niveau, volonté d’apprendre, d’évoluer... ». Son ambition est d’avancer, et de jouer un rôle, notamment dans la présentation de la base, lors des visites.

Avant de se quitter, il jette un regard en arrière et nous dit que l’ESAT lui a permis de se former, de se motiver, et de gagner en maturité .« J’ai grandi dans ma tête ». Il a un souvenir vivace de l’accompagnement par son moniteur, lequel lui a permis d’être patient, et de partir au bon moment...Il n’oublie pas de nous confier pour conclure que ses parents sont fiers de lui, même si sa mère au début « était flippée »...

 

Deux ans plus tard, en septembre 2020, c’est Jean-Philippe Dorges qui a pris son envol.

A l’époque à l’ESAT, c’était quelqu’un de réservé, un peu effacé. Il faisait bien son travail dans l’atelier menuiserie, montait en compétence, et gagnait progressivement en expérience de conduite du charriot (CACES 1, 2 & 3). Envisager une carrière en entreprise n’était pas une priorité...

Jusqu’au jour où Benoît est parti, laissant un peu d’espace dans l’atelier pour la conduite du charriot, entre autre, et donnant des envies d’ailleurs à Jean-Philippe.

Ainsi, un jour, la base Intermarché, satisfaite de l’intégration de Benoît, donne l’occasion à Jean-Philippe de réaliser un stage de 3 semaines qui sera un vrai succès. Puis, il a remplacé un professionnel de la base, conducteur de charriot, qui était absent : résultat top !  Enfin, c’est l’ouverture d’un poste pour notre collègue.

Aujourd’hui, il est chargé de trier les palettes, de charger les semis de cartons compactés, de contrôler les retours à la base... Il a participé également au déménagement vers Neuillac, son nouveau lieu de travail.

Accompagné par Yannick (son chef d’équipe) puis Laurent, son nouveau chef, il a fait sa place, et « est très autonome ». Son travail très physique lui a permis de « prendre des forces » (dixit).

Son intégration est réussie au point que Jean-Philippe nous dit « je me sens mieux, je parle avec tout le monde », « ma provenance de l’ESAT n’est pas un sujet, pas un souci », « j’ai été bien accueilli ».

« J’ai confiance en mes accompagnants ». Il peut leur demander de l’aide pour étayer son parcours.

En l’état actuel de sa situation professionnelle, le retour à l’ESAT n’est pas envisagé.



Ces salariés au parcours atypique ont en commun d’avoir cru en leurs propres capacités, d’avoir une détermination et une motivation sans failles, d’avoir un accompagnement proche (à l’ESAT et en entreprise) fort et de confiance, et d’avoir su « prendre des risques mesurés » en dehors de notre cadre protégé.

Nous souhaitons tous une belle, riche et longue vie professionnelle à nos anciens collègues ! Grâce à leur expérience, et celle de  tous les ouvriers qui franchissent ce cap, notre métier a toujours plus de sens...être acteur de l’ouverture et l’inclusion sur notre territoire, et participer à la « concrétisation » d’un avenir après l’ESAT...




Auteur : Bruno LOHEZIC, Responsable de l'ESAT Les Ateliers du Pigeon Blanc, à Pontivy





... Nous avons aussi recueilli le témoignage d'Antoine Chevrier employé en CDI, chez OtoNaet, à Vannes, depuis mars 2021.

L’entreprise OtoNaet...

OtoNaet est une entreprise de lavage de véhicules gérée par Morgan et Sylvain Nobilet et située sur la zone industrielle du Prat à Vannes.

Leur concept de lavage est  inédit à Vannes, puisqu’il propose aux clients de rester au volant de leur véhicule tout au long du processus. Le prélavage est pris en charge de façon manuelle pour éliminer toutes les particules susceptibles de provoquer des micro rayures sur les véhicules, avant leur entrée dans un tunnel de lavage qui fonctionne avec de l’eau de récupération de pluie.

OtoNaet est une entreprise éco responsable, soucieuse de l’impact écologique de son activité.

Des prestations complémentaires sont proposées pour le nettoyage intérieur des véhicules, le détachage par exemple.

Le parcours d’insertion d’Antoine...

Antoine Chevrier est un jeune homme qui a eu un parcours sur une activité d’entretien d’espaces verts à l’ESAT les Ateliers du Prat pendant un peu plus de dix ans :

« Lorsque j’étais jeune, j’ai été accompagné par un IMPRO, puis j’ai fait un apprentissage avant d’arriver à l’ESAT suite  à mon accompagnement par GRAFIC » (Service de formation des jeunes en situation de handicap).

Pendant ces dix années, il a développé ses compétences et il a cherché à construire un projet de travail en milieu ordinaire.

Antoine a présenté une Reconnaissance des Acquis de l’Expérience (RAE) dans une modalité qui incluait un stage en milieu ordinaire sur une activité d’Espaces Verts à la commune de Vannes.

Son parcours est jalonné de doutes, d’hésitations avec le besoin de prendre confiance en lui. Mais il a su mobiliser toutes les ressources nécessaires pour les mobiliser dans son projet professionnel.

 Ensuite est venue une proposition d’une Mise à Disposition chez OtoNaet.

« La MAD était le moyen de découvrir le milieu ordinaire de travail pendant deux années ».

L’entreprise OtoNaet cherchait à renforcer ses effectifs dans le cadre du développement de leur activité. Ils ont d’abord eu recours à des emplois en intérim.

Puis ils ont tenté l’expérience des mises à disposition avec l’ESAT du Prat. Cinq personnes ont expérimenté cette MAD.

Antoine a su montrer les compétences nécessaires, mais au-delà, il était « le plus concerné et le plus investi, avec une valeur travail qui ressortait d’emblée ».

Cette période de Mise à disposition a été utile pour pouvoir se rencontrer, évaluer et construire un projet. Avec la crise sanitaire, la Mise à Disposition a pu être prolongée pour qu’une proposition d’emploi se fasse sereinement.

Quand la proposition d’emploi a été faite à Antoine, « J’ai dit oui pour une embauche, avec des hésitations à cause du suivi après l’ESAT. J’avais peur que le suivi s’arrête tout de suite, mais les gérants ont compris mes inquiétudes et ont su me rassurer. C’était une nouvelle expérience dans un métier et un milieu complètement différent de l’ESAT ; J’y suis quand même allé, la relation de confiance était là. J’avais eu une expérience précédente sur une MAD de paysagiste et j’aurai refusé une offre d’emploi parce que je n’avais pas confiance».

De ce parcours, Antoine retient que c’est un parcours compliqué, « on risque de perdre sa place. La possibilité de pouvoir revenir à l’ESAT pendant 2 ans rassure. Pour moi, en Mars 2023 je ne pourrais plus revenir automatiquement dans un ESAT et si je le souhaitais, je devrais recommencer les démarches depuis le début. C’est pour ça que c’est important d’avoir un bon suivi au départ».

Que ce soit Antoine ou Monsieur Nobilais, ils sont d’accord pour dire l’importance du suivi et de la qualité de ce suivi pour permettre la sérénité du projet.

 

La plus-value de ce parcours ?

«  Je suis en milieu ordinaire, c’est une reconnaissance de mes compétences. J’ai gardé peu de liens avec mes anciens collègues de l’ESAT, quand je suis parti, il y a eu un peu de jalousie de certains. Mais il faut se donner les moyens et croire en son projet. C’est drôle parfois parce que dans la vie de tous les jours, je croise des clients de chez Oto Naet et ils me reconnaissent. »

Et Monsieur Nobilais confirme qu’Antoine est identifié par les clients : « Il n’y a pas de différence vis à vis des clients, pas d’affichage du handicap ».

Antoine reconnaît qu’au départ ses parents avaient également peur de le voir quitter l’ESAT, parce qu’ils trouvaient que c’était sécurisant. « Maintenant, ils ne disent plus rien, ils voient que ça fonctionne ».

Et pour l’entreprise ,

« Antoine a eu une grosse prise de confiance en lui, les relations sont plus faciles avec nous. Avec les clients aussi, parfois Antoine gère seul le contact client. Alors oui, Antoine a besoin de plus de pédagogie, enfin, au départ surtout ! Mais quand il a fait les apprentissages, c’est acquis, ça ne redescend jamais en qualité : le sérieux au travail, la ponctualité... Ce n’est même pas parce qu’il sort de l’ESAT, c’est parce qu’Antoine, il est comme ça. L’emploi en milieu ordinaire, cela a juste extrapolé ses qualités. Il n’y a pas eu de difficultés dans son parcours, ça a coulé tout seul ! On peut saisir ses limites, par exemple sur tout ce qui est de l’ordre de l’administratif, il est un peu en dessous des attendus et il a besoin de faire d’autres apprentissages. L’idée maintenant, ce serait d’embaucher une autre personne et de faire monter Antoine en compétences. Ses progrès permettent de ne plus contrôler ce qu’il fait ; il est quasi responsable de la maintenance et l’objectif c’est qu’il réussisse à faire les taches de maintenance sans que nous lui demandions, qu’il puisse regarder dans l’ agenda en autonomie les taches à réaliser. Il faut y aller étape par étape, prendre le temps comme pour n’importe qui ».

 

Le contexte de sécheresse de cet été, avec l’arrêté préfectoral a obligé l’entreprise à cesser son activité. Antoine a connu une période de chômage partiel, sans impact financier conséquent, ni pour lui, ni pour l’entreprise. Le fait d’être inoccupé pendant de dernier mois et demi a forcément inquiété. Heureusement la reprise de l’activité s’annonce enfin et Antoine est ravi et plus que jamais motivé pour poursuivre son activité de travail, les gérants quant à eux, restent investis dans son accompagnement au sein de leur entreprise.




Auteure : Béatrice SASSOT, Coordinatrice de parcours à l'ESAT Les Ateliers du Prat, à Vannes